Train bleu train noir ---- Maurice Gouiran
Mai 1993 : c'est la veille de la finale de coupe d'Europe qui va voir s'affronter le Milan AC et l'Olympique de Marseille. De nombreux trains de supporters quittent la cité phocéenne pour emmener tout ce monde chahuteur et gueulard à Munich où la rencontre doit avoir lieu. Parmi les passagers du train bleu, il y a un trio d'hommes mûrs et de vieillards : Robert, Georges et Michel qui ne vont pas seulement voir le match. Car ce n'est pas que le foot qui les unit. Cinquante ans plus tôt, en janvier 1943, ces mêmes hommes étaient dans des trains noirs, des trains qui amèneront de nombreux marseillais des vieux quartiers dans les camps de concentration. Et le temps a beau passer, les trois hommes sont toujours torturés par leurs souvenirs et leurs cauchemars : la disparition de leurs familles, les moments horribles vécus, la destruction pure et simple des vieux quartiers de Marseille effectuée par les allemands sous prétexte de nettoyer la ville du grand banditisme …
Voilà le dernier titre de la sélection du prix inter-comités d'entreprises CEZAM 2008 (c'est extraordinaire : j'ai lu les titres rapidement mais bon, j'ai eu de la chance de les trouver facilement à la biblio) ! Et j'ai fini plutôt en beauté. Je ne dis pas que cela fut un coup de cœur mais le livre de Gouiran fut une lecture tout à fait honorable. L'histoire, qui entretient le suspense tout au long des pages, mêle souvenirs de la seconde guerre mondiale, de l'occupation allemande et des trains de la mort et moments actuels avec le foot omniprésent et le but rapidement avoué des hommes qui furent raflés cinquante ans auparavant. Mais si on laisse très vite pourquoi ils se rendent à Munich, le mystère tient surtout au fait de savoir comment cela se réalisera, avec un petit coup de théâtre à la fin. J'ai beaucoup aimé toute la partie souvenirs qui parle d'évènements méconnus de la guerre avec Marseille en toile de fond, avec la description des motivations et des comportements des uns et des autres sur les actions qui ont bouleversé la vie de milliers de personnes. De ce côté-là, le livre dépasse largement l'histoire policière classique car il décrit très bien les sentiments amers de personnes détruites émotionnellement par la guerre et les rafles qui ont eu lieu, comment une vengeance pourrait éventuellement soulager cette douleur omniprésente malgré les années. L'écriture fait la part belle au parler marseillais, avec des mots ou des expressions typiques, histoire de mettre un peu plus le lecteur dans l'ambiance. J'avoue que cela ne m'a pas gênée du tout lors de la lecture car étant originaire du sud, je les connaissais toutes (et j'en utilise certaines aussi) mais je serais curieuse d'avoir l'avis de quelqu'un n'étant pas de la région pour savoir si ces expressions ont perturbé leur lecture. La partie finale parle un peu de trop de foot à mon goût (et je trouve que cela n'apporte rien de spécial à l'ensemble) et le coup de théâtre m'a quand même un peu déçue (je ne peux pas dire pourquoi sans rien révéler !). Mais une belle découverte malgré tout !