Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La bibliothèque du dolmen
Derniers commentaires
6 mai 2008

Rencontre avec Ella Balaert

CanaillebluesMardi 6 mai à 16h30, il y avait une nouvelle rencontre d'auteur dans le cadre du prix Inter-Comités d'Entreprises CEZAM 2008. Cette rencontre avait lieu, cette fois, à la bibliothèque de l'université Bretagne Sud de la ville et m'a donné l'occasion de découvrir ce lieu que je ne connaissais pas du tout. L'auteur invité était Ella Balaert pour son livre "Canaille Blues" sur lequel j'avais fait un billet pas forcément très favorable ici (mais Yvon avait aimé alors allez lire son billet ici).

Je suis arrivée avec un peu de retard, ayant du mal à trouver le lieu qui n'était pas vraiment indiqué (il a fallu que je m'arrête pour demander mon chemin et je n'avais pas regardé où c'était, pensant que ce serait très proche du bâtiment principal de l'université, ce qui n'était pas vraiment le cas ! A quand les campus universitaires où tout est regroupé ??? mdr !). Mais trêve de bavardage .... à part que j'ai raté le début de la rencontre qui avait déjà commencé quand je suis enfin arrivée ! J'ai par contre été étonnée du peu d'étudiants présents à cette rencontre (alors que cela avait quand même lieu à leur bibliothèque !)

Le thème de ce roman est l'histoire d'un groupe de marginaux qui se place en dehors de la société, refusant de se couler dans le moule prévu, et qui se retrouve manipulé par les RG. Ceux-ci utilisent divers appâts qu'ils proposent discrètement à divers membres pour renforcer le groupe de l'extérieur pour des raisons politiques tout en le fragilisant de l'intérieur.

ConferenceEllaBalaert1Le groupe, qui se veut les dignes héritiers du groupe du mouvement très ancien des Cyniques de Diogène, va alors connaitre un triste dénouement, ce qui donne un ensemble plutôt pessimiste mais avec une touche finale d'espoir avec l'arrivée d'une relève qui reprendra peut-être le mouvement amorcé. Une des questions posées à l'auteure a été de savoir si elle avait eu l'intention de faire passer l'intervention extérieure des RG comme entièrement responsable de l'éclatement du groupe mais elle voulait aussi montrer que le groupe allait se déliter de lui-même et que les RG n'ont fait qu'accélérer cette fin. Le roman traite ici de la liberté par rapport aux autres, aux institutions, à la société et à soi-même et montre qu'il n'est pas facile d'obtenir cette liberté.

Ella Balaert n'a donc pas voulu faire l'apologie d'un mode de vie communautaire sortant des sentiers battus car le groupe qu'elle décrit n'est pas vivable au final bien que ses motivations soient plus qu'honorables. Elle a par contre fait une critique de la société de consommation actuelle. On peut d'ailleurs voir une critique virulente de cette société dans la scène des soldes, où les personnes soit disant dans la normalité deviennent des monstres assoiffés de bonnes affaires.

Elle a créé des personnages qui sont loin d'être antipathiques mais ceux-ci ont parfois des actions peu sympathiques et ce décalage a parfois été difficile à gérer. Aucun chef ne ressort vraiment de cette communauté qui partage surtout un espace (ils vivent tous dans un car) mais dont les membres restent assez indépendants les uns des autres. Chaque personnage n'est connu que par son surnom et Ella Balaert a fait un bel effort d'imagination en les créant. Certains de ces surnoms s'inspirent de personnages ayant existé comme pour Treize-Oignons qui est un dérivé de Quatorze-Oignons, un personnage marginal du temps de la Révolution (si vous voulez en savoir plus, c'est ici).  Ce choix d'utilisation de surnoms est une tentative supplémentaire de libération de la part des membres de la communauté. Ils peuvent ainsi utiliser une symbolique tout en effaçant leur passé et leur histoire en oubliant leur vrai prénom. Le thème des noms revient d'ailleurs souvent dans l'œuvre d'Ella Balaert, qui considère que nous sommes tous faits de mots, nos noms et prénoms inclus, qui nous crée une personnalité et un destin. L'auteure a aussi un magnifique travail de recherche et d'imagination pour attribuer des métiers aux personnages, métiers anciens souvent oubliés de tous ou bien particulièrement originaux.

Chaque personnage est associé à un animal qui est son animal de compagnie (et parfois les associations sont vraiment étranges mais amusantes). Cette idée est venue à l'auteure car Diogène a été associé à une souris (en observant celle-ci vivre, il a trouvé une certaine philosophie à sa propre vie, si je puis dire) et à un chien (il a répondu à Alexandre "Je suis Diogène le chien") et elle avait donc dans l'idée de faire intervenir quelques animaux pour créer le parallèle. Son idée première était de faire intervenir les animaux en tant que conscience de leurs maîtres mais l'idée de la scène du colloque des animaux qui a lieu dans le roman entraînait la nécessité d'attribuer un animal à chaque personnage pour pouvoir lui donner la parole et le concept de "l'animal-conscience" a été abandonné. Qui plus est, la présence de ces animaux souligne aussi la proximité du groupe avec la nature, ce qui correspond à leur mode de vie.

ConferenceEllaBalaert2Le parcours de chaque personnage est esquissé dans le roman, on apprend leur cheminement au fur et à mesure de la lecture et pourquoi ils ont rejoint cette communauté. Ils ont tous fait le choix de pauvreté volontaire, ce qui les différencie des SDF mais certains itinéraires restent flous et incertains car on découvre des parcours imaginés ou modifiés par les RG, gardant ainsi une part de mystère sur les origines des personnages.

A la question "Le romancier doit-il jouer un rôle de critique ?", Ella Balaert a reconnu que son roman est effectivement une critique de la politique et de la société. Ecrire permet de se distancier des sujets traités et de pouvoir ainsi critiquer, que ce soit politique ou non. Avec les notes des RG, il semblait à l'auteure que la critique politique était évidente pour le lecteur. Qui plus est, ces notes des RG ont eu le rôle de chœur antique, qui accompagne les évènements et qui commente ce qui arrive.

Le roman est divisé en trois parties aux "sujets" différents : la première partie est la mise en place et est tournée vers le social, la deuxième partie, qui se passe pendant une campagne électorale, est la partie politique du livre et la troisième partie est la conclusion, avec la fin du groupe et un retour sur le rôle des mots et du vocabulaire dans nos vies. On peut donc retrouver les différents thèmes dont Ella Balaert a voulu parler, avec une montée de la violence qui se calque sur le monde actuel et qui inquiète particulièrement l'auteure.

Comme ce roman est très foisonnant, Ella Balaert a rédigé un plan avec chapitrage et la plupart des évènements décrits étaient déjà planifiés et pensés. Elle a créé des scènes anecdotiques et visuelles pour éviter le piège des scènes didactiques qui n'auraient pas été de mise pour le livre. L'utilisation d'un langage varié pour s'adapter aux personnages a énormément amusé l'auteure qui a trouvé aussi très intéressant d'effectuer des énumérations sur un même thème (lorsque les personnages veulent nommer leur lieu de résidence). Elle a aussi trouvé que l'utilisation d'expressions toutes faites, dont la langue française est très riche, était un réel défi pour elle car elle avait tendance à les oublier et les mélanger. Cela lui a presque donné l'impression de travailler sur une langue étrangère.

Le langage est un des sujets favoris d'Ella Balaert : elle l'a d'ailleurs traité dans un roman jeunesse "La lettre déchirée", où un jeune garçon a des problèmes de lecture et où on peut voir le rapport des personnes avec les mots et notre langue maternelle.

Le titre "Canaille Blues" a été choisi par l'auteure elle-même. Elle avait opté pour "Treize-Oignons le Cynique" au départ mais cela mettait trop en avant un personnage dans un groupe qui se veut égalitaire et sans chef donc elle a abandonné cette idée. Canaille étant un mot qui lui plaisait, avec un petit côté suranné, et Blues venant souligner que la fin n'allait pas être forcément heureuse (et faisant aussi le lien avec la musique très présente dans le livre), l'association des deux mots s'est alors imposée.

En parlant de musique, elle a aussi une part importante dans la vie d'Ella Balaert. Elle a d'ailleurs écouté ou réécouté tous les morceaux qu'elle cite dans le roman, pour être sûre qu'ils correspondraient bien aux situations. En parallèle avec "Canaille Blues", elle a aussi écrit un roman jeunesse "Quand on a 17 ans", où la musique a aussi un rôle important.

ConferenceEllaBalaert3Concernant les publications précédentes de l'auteure, elle a écrit plusieurs romans jeunesse et des romans adultes. Elle ne trouve aucune différence dans sa façon d'écrire ou dans le choix des thèmes pour les jeunes et pour les moins jeunes mais la seule "contrainte" qu'elle se donne dans ses romans jeunesse est une fin heureuse et positive. Ses premières publications en 1997 ont été un recueil de nouvelles et le roman jeunesse "La lettre déchirée" dont je viens de parler au paragraphe précédent. Elle a aussi publié "Mary Pirate", roman basé sur la vie de Mary Read qui a eu son destin inextricablement lié au monde des pirates.

Ses relations avec les éditeurs sont dans la moyenne : elle a eu un manuscrit refusé (qui attend dans un tiroir alors si un éditeur me lit et est tenté, il sait quoi faire ! mdr !) mais un autre de ses manuscrits a été accepté par trois éditeurs différents, ce qui est un excellent signe :) Pour "Canaille blues", les réactions ont été mitigées : plusieurs éditeurs n'ont pas tari d'éloges au sujet du roman mais ont déclaré ne pas pouvoir le publier (car cela n'était pas opportun politiquement à ce moment-là). La maison d'édition Hors Commerce, qui n'a pas peur (voire qui aime bien) de publier des livres qui ne rentrent pas forcément dans le moule ou qui dérangent, a donc décroché le contrat ! Et concernant sa sélection pour le prix CEZAM, Ella Balaert avoue ne pas savoir si c'est une bonne chose et comment cela va influer sur l'avenir de son livre. Mais elle est heureuse de l'opportunité des rencontres avec ses lecteurs organisées dans le cadre de ce prix. Elle sait par contre que cela n'influencera pas sur ces prochains romans car elle n'écrit que ce qu'elle a envie d'écrire et ne suit pas les formats ou les tendances qui se dessinent parfois dans la littérature.

Côté projets, l'auteure vient de terminer un roman adulte (qui n'a pas encore d'éditeur) et elle a aussi terminé un roman jeunesse qui devrait paraître en fin d'année (ou début 2009) chez Gulf Stream Editions.

Les dernières lectures coup de coeur de l'auteure ont été le roman "Avidité" de Elfriede Jelinek, qui est sorti il y a déjà quelque temps. Elle l'a trouvé difficile à lire à cause de sa grande variété de langage (du plus cru ou plus poétique) et très dur au niveau des nombreuses digressions mais l'ensemble l'a marqué par sa qualité. Actuellement, elle lit "Lucidité" de José Saramago.

La rencontre fut fort intéressante, même si je n'ai pas vraiment apprécié le livre. On sent que de nombreuses choses constituent "Canaille Blues", certaines évidentes, d'autres beaucoup plus subtiles mais toutes représentant brillamment le travail de recherche et d'imagination d'Ella Balaert.

Publicité
Commentaires
J
Sylire, tu as encore le temps mais c'est parfois dur d'arriver à mettre la main sur les titres qui restent à lire ! C'est la première année où j'ai fini si tôt ! Eh bien, tu n'as peut-être pas pu aller la voir mais mon compte-rendu va compenser :)<br /> <br /> Cathulu, je ne connais pas ses romans jeunesse mais celui-ci avait l'air particulièrement intéressant. Elle a aussi écrit "Castagnette" avec une histoire de jeux sur les surnoms attribués aux enfants en fonction de leur aptitude (la petite fille est surnommée Castagnette car elle aime bien la castagne !)
Répondre
C
je note "la lettre déchirée" car tout ce qui concerne le langage m'intéresse.
Répondre
S
Elle est venue dans ma région mais je n'étais pas disponible. Je n'ai pas encore lu le livre. J'en suis au 8ème. Il est temps que je me dépêche !
Répondre
J
Yvon, même si je n'ai pas beaucoup aimé le livre (mais je ne l'ai pas détesté non plus quand même !), j'ai apprécié la rencontre :) On découvre toujours de nouvelles choses !
Répondre
E
Bonjour Joëlle.<br /> Sur ce coup là tu as écrit plus vite que ton ombre!<br /> Très bon compte rendu, ce n'est pas forcément évident de rencontre l'auteur d'un livre que l'on a pas réellement apprécié.<br /> C'était plus facile pour moi, mais à l'écouter, j'ai découvert certaines choses.<br /> A bientôt.<br /> Yvon
Répondre
La bibliothèque du dolmen
Publicité
La bibliothèque du dolmen
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 376 534
Publicité