Le carnet de Roger ---- Florent Silloray
En janvier 2003, Roger, le grand-père de Florent Silloray, meurt de vieillesse, laissant derrière lui un carnet de moleskine noir racontant son parcours depuis sa mobilisation en septembre 1939. Il y parle de l'attente pour rejoindre son unité basée dans l'Est de la France, la routine qui s'installe sur place et qui semble si loin de ce qu'on peut s'imaginer de la guerre, les premières nouvelles de l'armée allemande qui a envahi la Belgique et la fuite des soldats français avant qu'ils soient faits prisonniers de guerre et envoyés dans un camp de travail. Florent, ému par ce récit, décide de refaire à son tour le trajet de son grand-père pour s'imprégner des lieux …
Avec un tel grand format, difficile de ne pas repérer cet album (mais ce doit être un cauchemar pour lui trouver une place dans la bibliothèque !) mais il faut dire que les dessins méritent vraiment d'être mis en valeur par ces belles pages un peu hors normes en taille. L'auteur nous raconte la vie de son grand-père de sa mobilisation jusqu'au 1er janvier 1941, date à laquelle s'arrête le carnet de Roger, ce qui est assez frustrant, il faut bien l'avouer. En découvrant celui-ci en compagnie de photos de l'époque, alors que son grand-père est décédé et ne pourra donc plus répondre à d'éventuelles questions, Florent Silloray décide de refaire le trajet de Roger et de retrouver les lieux cités dans le carnet. On a donc deux narrations dans l'album : celle de Roger, avec des dessins aux tons sépia, de toute beauté, avec du texte en dessous mais peu de bulles et celle de Florent, en couleur, aux dessins moins travaillés et au style plus classique (dialogues par bulles), qui essaie de s'imprégner des lieux visités pour mieux les restituer dans l'album et pour mieux s'imaginer ce qu'a vécu son grand-père, choses dont il n'a jamais voulu parler de son vivant. Autant l'émotion est présente dans la partie où l'auteur parle de son grand-père et suit ses traces, autant l'histoire de Roger, prise dans la Grande Histoire, paraît presque terne. Mais l'époque était différente, les émotions mieux cachées et le spectre de la guerre ne laissait pas le temps de réfléchir aux gens, ni de s'appesantir sur son sort. J'ai préféré les dessins de la guerre car ils dégagent une atmosphère particulière et qu'on finit presque par croire que ce sont des photos tellement ils sont réalistes. Mais je ne peux pas dire que j'ai appris beaucoup de choses de la condition de vie des prisonniers de guerre et c'est surtout une description terre-à-terre que Roger a écrit dans son carnet, l'émotion et les sentiments étant gardés pour lui-même. Par contre, j'ai beaucoup aimé la relation et l'amour que l'auteur a avec son grand-père et qui continue bien après sa mort. Une lecture témoignage qui m'a donc peu apporté en connaissances mais qui m'a beaucoup touché émotionnellement et qui est visuellement superbe !
L'avis d'Enna.