La propriété ---- Rutu Modan

Régina, vieille dame juive octogénaire, a reçu, au début des années 1990, un courrier provenant d'un avocat polonais lui affirmant qu'elle pouvait récupérer la propriété familiale située à Varsovie et perdue pendant le seconde guerre mondiale. A cette époque lointaine, Régina n'était qu'une adolescente et elle avait été envoyée à Tel-Aviv. Elle n'était alors jamais revenue en Pologne. C'est à la mort de son fils, dans les années 2000, que Régina se décide enfin à aller à Varsovie en compagnie de sa petite-fille Mica pour s'occuper de cette fameuse maison. Mais arrivées sur place, tout à coup, Régina ne veut plus entendre parler de cette propriété et ne pense qu'à rentrer. Mica va néanmoins faire des recherches, aidée par un jeune guide de la ville et suivie de près par un ami de son père décédé qui semble vouloir protéger la jeune femme d'éventuelles rencontres malheureuses …

J'avais déjà lu le premier album de cette auteure israélienne, Exit wounds, et j'avais été moyennement emballée par le dessin. Cette fois, j'ai eu moins de mal avec le graphisme et j'ai réussi à identifier correctement tous les personnages sans prendre les femmes pour des hommes ! Mais malgré tout, je ne suis pas très fan de cette ligne claire et simple car je trouve parfois les visages un peu bizarres (surtout au niveau de la bouche). Quant aux couleurs, elles sont franches et variées, ce qui m'est parfois apparu comme très bariolé ! Mais c'était surtout l'histoire qui m'a poussée vers ce roman graphique car le sujet est original et intéressant. Cette histoire de propriété perdue par une famille juive et qui peut enfin leur revenir alors que des dizaines d'années sont passées depuis la fin de la guerre n'est pas un thème souvent abordé, surtout en bande dessinée. Mais c'est aussi une histoire de retour au pays de sa jeunesse, pays quitté dans des conditions terribles, une histoire de secrets de famille, de jalousie, d'amour, de découverte des autres et tous ces sujets se mêlent et s'entremêlent au fil des pages. Il y a un peu de mystère concernant cette propriété, un peu moins de suspense concernant le secret de famille qu'on devine vite mais l'ensemble reste intéressant et bien amené. L'auteure a utilisé différentes polices de caractère en fonction des langues parlées (hébreu, polonais et anglais), ce qui met encore plus dans l'ambiance (je regrette peut-être un peu la non-utilisation de mots ou d'expressions typiques qui auraient eu encore plus d'effets d'immersion). On découvre un peu l'histoire de Varsovie et quelques coutumes polonaises mais comme tout cela est bien intégré dans l'histoire générale, cela ne fait pas artificiel. Mica et Régina sont deux femmes fortes à leur façon et elles sont plutôt attachantes, ce qui permet de mieux les comprendre et d'accepter certaines de leurs réactions (surtout pour Régina, qui est une vraie tête de mule). La fin est un peu décevante car les non-dits restent bien présents et les comportements très pudiques et très retenus. On pourrait un peu s'étonner de cette espèce de distance, surtout de la part de personnes d'un certain âge qui ne craignent plus grand-chose pour leur réputation et qui devraient juste profiter des jours qui leur restent pour rester en contact avec les êtres qui leur sont chers. J'ai donc plus apprécié que Exit wounds, aussi bien au niveau dessin qu'histoire mais je garde néanmoins quelques petits bémols sur l'ensemble, qui aurait peut-être pu être plus fouillé au niveau psychologie des personnages.

L'avis de Theoma.