Le silence de Lounès ---- Place et Baru

Nouredine et Gianni sont amis depuis l'enfance, quand les parents de Gianni ont accueilli la famille de Nouredine récemment arrivée en France en provenance d'Algérie. Les deux pères travaillent dans un chantier naval à Saint-Nazaire et les deux garçons grandissent ensemble, font les mêmes bêtises de jeunes et finissent par travailler comme ouvriers au chantier naval. Gianni épouse même la sœur de Nouredine, Samia alors que celui-ci épouse Françoise, une jeune française. Mais Nouredine est plein de ressentiment et de colère : envers son père, qu'il considère comme un lâche pour ne pas s'être battu pendant la guerre d'Algérie et envers le système qui le prend souvent comme bouc émissaire. Mais Nouredine ne sait rien de ce qui s'est passé en Algérie avant sa naissance …

J'avoue que je ne serais pas allée vers cet album s'il n'avait pas été présenté au club lecture BD de la médiathèque. Pourtant, la couverture me plait bien et le dessin est agréable, réaliste et précis. Les couleurs plantent aussi les lieux et l'ambiance : du gris pour Saint-Nazaire, des couleurs plus chaudes pour l'Algérie. Les personnages sont dans l'ensemble assez reconnaissables mais j'ai été perturbée quand il y a le premier flash-back. Celui-ci n'est pas annoncé et on passe soudainement de Saint-Nazaire à l'Algérie en guerre et on découvre la vie du père de Nouredine (enfin, on devine que c'est lui car il lui ressemble). Mais sur le coup, j'ai cru que je voyais Nouredine et que j'avais raté un épisode ! A partir de là, l'histoire alterne régulièrement entre présent et passé pour mettre en parallèle la vie de Lounès et celle de son fils Nouredine, leurs deux révoltes, leurs actions, leur colère. J'ai aimé voir comment les auteurs montrent les non-dits familiaux et comment ceux-ci peuvent éventuellement influer sur le caractère des enfants. Les difficultés d'adaptation des immigrés, quelle que soit l'époque, sont aussi bien décrites, même si certains intégrations sont très réussies (Samia par exemple). La fin est assez surprenante et pourtant, elle est prévisible si on observe bien la psychologie des personnages mais elle est aussi un peu amère. Je crois néanmoins que je ne connais pas suffisamment bien cette période et les faits décrits pour réellement apprécier pleinement cet album et j'ai souvent eu la sensation de me perdre dans les évènements qui se déroulent en Algérie pendant la guerre. Et puis, je crois que j'aurais aimé que l'ensemble soit plus développé, plus détaillé et avec moins de flash-backs (un ou deux retours en arrière plus importants au lieu de cinq ou six plus courts). Mon impression est donc assez mitigée mais s'appuie surtout sur mon manque de repères pour la partie historique de l'album.

Les avis de Jérôme et Jean-François.