La belle famille ---- Laure de Rivières

Novembre 2002. Manon, vingt ans, est étudiante à Strasbourg et vit plus ou moins avec son petit ami depuis ses seize ans, quand elle a réclamé elle-même son indépendance. Ses parents, tous deux sportifs de haut niveau, le père basketteur noir américain et sa mère pentathlète, vivent à Dijon avec leurs autres enfants et ont éduqué Manon de façon à ce qu’elle soit autonome. La jeune femme, pour payer ses frais quotidiens, travaille aussi dans une boite d’intérim qui lui propose des postes de baby-sitter et elle est envoyé dans la famille Leprince pour s’occuper de leurs cinq enfants pendant que leur mère se remet d’une maladie. A son arrivée, elle trouve toute la famille à genoux dans le salon en train de prier, ce qui paraît étrange à Manon qui n’a pas de culture religieuse. Elle va vite s’attacher à cette fratrie, d’autant plus que la mère va mourir en laissant son époux Thierry et ses enfants malheureux et désemparés mais Manon ne sait pas que le lien qu’elle va tisser avec ces orphelins la mènera vers une histoire d’amour accompagnée de jours sombres et violents …

Je ne connaissais pas du tout cette auteure qui était journaliste dans la presse féminine (que je ne lis pas) et je l’ai donc découverte via un de mes clubs de lecture qui avait sélectionné ce titre pour une lecture commune sur les livres de 2022. Le sujet m’a tout de suite attirée car j’aime beaucoup tout ce qui concerne la psychologie et particulièrement dès qu’il s’agit de manipulation d’une personne par une autre. Il me semble qu’on a toutes et tous connu quelqu’un qui était charmant mais manipulateur ou bien une victime de ce genre de personne. L’auteure s’est inspirée de faits réels en rencontrant une jeune femme, Manon, et a ensuite bâti une histoire partiellement fictionnelle : elle a imaginé des évènements, les pensées des uns et des autres car l’histoire est divisée en chapitres racontés par les différents protagonistes, certains revenant souvent, d’autres étant plus ponctuels. On suit donc Manon, jeune femme indépendante que rien ne prédisposait à cette relation toxique. Enfin, pour moi, au vu de sa relation avec son précédent petit ami, je la considérais déjà comme une victime potentielle. Bien sûr, malgré les différents points de vue, on a de l’empathie pour Manon et peu d’estime (pour ne pas dire carrément de la haine !) pour Thierry et sa famille très aristocratique et très imbue de son passé soit disant prestigieux. Les enfants Leprince sont, eux, très attachants et on peut comprendre l’attitude de Manon à leur égard : elle veut les protéger, leur donner de l’amour et les rendre le plus heureux possible malgré leur passé et leur sensation d’abandon. De mon côté, j’avoue que je les aurais laissés car j’aurais fui dès que je les aurais vu à genoux en prière (je ne suis pas fan de ses attitudes extrêmes !). On voit la montée en puissance dans l’attitude manipulatrice de Thierry, son estime de lui-même démesurée, l’acceptation (incompréhensible) de Manon de ses colères, la nocivité de la famille Leprince, la douleur des enfants et leur besoin d’amour. On voit aussi l’évolution de tout ce monde, certains se sclérosant dans leurs travers, d’autres prenant conscience des problèmes, d’autres s’aigrissant dans cette atmosphère délétère. J’ai été bien en phase avec le dénouement, qui n’épargne personne, donnant une bouffée d’espoir tempérée par des blessures qui semblent trop profondes pour être complètement oubliées. Un très bon roman sur un sujet difficile et malheureusement trop fréquent.