Une touche de couleur ---- Jarrett J. Krosoczka
Jarrett est un jeune garçon élevé par ses grands-parents car Leslie, sa mère, est souvent absente sans qu’il comprenne bien pourquoi. Son grand-père, d’origine polonaise catholique, avait rencontré sa grand-mère, d’origine suédoise protestante, avant la seconde guerre mondiale pour ensuite la retrouver et l’épouser en 1948. Après des débuts difficiles, l’entreprise familiale rencontre le succès, les enfants naissent au fil des années et parmi eux, la mère de Jarrett. Mais celle-ci tombe enceinte alors qu’elle vit encore chez ses parents et le père refuse de reconnaître le bébé, prétextant qu’il pourrait ne pas être de lui. Pour que l’enfant ne devienne pas pupille de l’Etat, à cause de la toxicomanie de Leslie, Joe et Shirley obtiennent la tutelle de Jarrett et celui grandit parmi ses oncles et tantes, ses cousins et les rencontres occassionnelles avec sa mère, tout en passant son temps à dessiner …
Il y a des albums pour qui le terme roman graphique prend tout son sens et ce titre en fait indéniablement partie. L’auteur, de façon très personnelle et très intime, entraine le lecteur dans son enfance et les relations qu’il a entretenu avec sa famille et surtout ses grands-parents et sa mère et plus tard son père. Le dessin peut paraître un peu brouillon au premier coup d’oeil mais j’ai aimé les aquarelles simples bichromatiques (gris et orange) et le découpage permettant de créer un rythme de lecture grâce à la variété (vignettes, pleines pages, étalement sur deux pages, absence de vignettes, insertion de documents tels que lettres ou dessins originaux). Les personnages sont expressifs et reconnaissables, même quand ils évoluent dans le temps et vieillissent. A travers la partie graphique, on suit Jarrett enfant, puis adolescent jusqu’à sa sortie du lycée et on apprendra la suite grâce à une postface résumant le reste de sa vie adulte et les raisons qui l’ont poussé à se lancer dans ce projet. Le récit est émouvant, décrivant la douleur d’avoir une mère absente mais aussi l’amour inconditionnel de celle-ci pour son fils, l’éducation donnée par des grands-parents au caractère bien trempé, parfois irritants, parfois attendrissants, mais qui ont toujours aimé Jarrett comme leur propre fils et l’ayant soutenu dans tous les domaines, même ceux qu’ils ne comprenaient pas trop bien (faire un métier fondé sur l’Art ... difficile à admettre quand on a connu la Grande Dépression et qu’un métier doit être quelque chose de concret). Les angoisses de Jarrett, ses cauchemars, sont particulièrement bien rendus par le dessin mais les petits bonheurs le sont aussi et l’amour est omniprésent. Je n’ai pas eu une enfance difficile mais j’imagine qu’un tel album a tout pour aider ceux qui ont des familles peu conventionnelles, où les problèmes viennent s’immiscer pour chambouler les relations car le récit, bien qu’émotionnellement chargé, donne un message d’espoir et rend un bel hommage à la famille de l’auteur.
Les avis de Mes échappées livresques, Laure.