Le petit frère ---- JeanLouis Tripp

Août 1976. JeanLouis, à peine dix-huit ans, et sa famille passent des vacances d’été dans le Finistère. Il y Caroline, sa petite amie, mais aussi sa mère, sa tante et son mari ainsi que la sœur de ce dernier et son fiancé et surtout il y a ses deux frères, Dominique quatorze ans et Gilles douze ans. Ce 5 août, la journée est sous le signe de la détente et en fin d’après-midi, tout le monde s’entasse dans les deux roulottes hippomobiles pour rejoindre leur nouvelle étape, à part la mère qui suit le convoi à vélo. Mais peu de temps avant l’arrivée à destination, alors que Gilles, sous la garde de JeanLouis qui conduit une des roulottes, est happé sur le marchepied par une voiture roulant à vive allure sur ce chemin départemental, qui s’enfuit laissant Gilles et sa famille livrés à eux-mêmes …
Je pense que quasiment tout le monde sait que cet album autobiographique parle du décès accidentel du plus jeune frère de l’auteur pendant l’été 1976 et comment les choses se sont déroulées, suivies du deuil de chacun. Pour cela, il fallait un dessin réaliste mais sobre, en noir et blanc avec quelques touches de couleur pour accentuer certaines scènes et faire passer les émotions et la douleur. Je peux donc dire que j’ai trouvé cet album irréprochable visuellement ! Certains moments répétés comme les flashs mentaux subis par l’auteur sont particulièrement réussis et nous placent vraiment dans sa peau. C’est à nouveau là la preuve que le dessin peut porter mille fois plus de choses que des mots. Le récit est aussi très sobre, sans pathos mais indubitablement douloureux. On commence par la mise en place des personnages et des lieux puis la description de l’accident, tout en pudeur et retenue malgré sa violence. Pour les jeunes d’aujourd’hui, la difficulté de joindre les secours peut paraître surréaliste mais c’était la norme à l’époque, sans téléphone portable, sur une route peu fréquentée et avec des roulottes tirées par des chevaux et donc très limitées en vitesse. Par contre, ce qui n’a pas changé, c’est le délit de fuite et l’horreur vécue par la famille de la victime. S’ensuit ensuite toutes les démarches administratives, la plainte à déposer à la gendarmerie, les personnes à contacter, l’enterrement à organiser, le deuil à faire, même si cela paraît insurmontable. Mais, de façon évidente, cet événement tragique continue à avoir des répercussions sur la vie des membres de la famille et se rappelle à nouveau à eux lors du procès du conducteur fuyard. L’auteur se livre à nous sans fard, avec sa colère, sa douleur, sa frustration, ses hauts et ses bas, et il n’est pas difficile de s’imaginer qu’on aurait eu exactement les mêmes réactions si on a vécu le même drame. J’avais un peu peur de me retrouver à lire une sorte de psychanalyse publique mais ce ne fut pas le cas car ses mots sonnent justes, empreints de sensibilité et d’amour pour son frère et pour sa famille. Vous vous doutez bien que j’ai essuyé souvent quelques larmes lors de cette lecture !
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