Une épicerie vient d’ouvrir dans un quartier défavorisé de Baltimore et Elliott, plutôt bon élève, est le fils du marchand, qui l’encourage à sortir faire connaissance avec les jeunes du coin. Mais le carrefour est surtout un lieu de revente de drogues en tous genres et Elliott est vite confronté aux fusillades habituelles du quartier opposant différents gangs. Parmi les spectateurs de la scène, il y a Sixteen et sa bande, qui vont vite faire amis avec Elliott qui les approvisionne en bonbons. Mais la drogue et la violence des gangs ne sont pas les seuls problèmes : beaucoup d’habitants perdent leurs maisons à cause de la crise des subprimes et parmi eux, il y a Washington, un Marine de retour d’Irak, qui retrouve le logement familial saisi et sa grand-mère placée en maison de retraite …
Cela fait des années que ces albums me faisaient de l’œil (en fait quasiment depuis leur sortie) mais j’avais peur du graphisme particulier. Il faut dire ces personnages aux allures peu communes ont de quoi dérouter ! Ils ont plus l’allure de têtards ou de ballons de baudruche que d’humains traditionnels ... on pourrait même dire que leurs formes sont variées et à tendance organique mais j’avais peur de m’y perdre et d’avoir du mal à identifier tous les protagonistes (et ils sont quand même assez nombreux). Effectivement, j’ai eu un peu de mal à reconnaître tout le monde sauf Elliott et son père, très reconnaissables (j’ai un peu plus galéré pour Sixteen qui avait eu le malheur de changer de casquette à un moment donné) et son entourage. Heureusement, chaque personnage a souvent un petit détail qui permet de le reconnaître (un nez particulier, un tatouage ...) et le problème a disparu au fil des pages. J’ai même fini par l’apprécier car il a une identité forte et rien n’est laissé au hasard, avec des petits détails qui ont leur importance. En plus, le choix des couleurs délavées est agréable et permet de contraster avec le propos car si le dessin peut paraître enfantin, l’histoire, elle, ne l’est pas une seule seconde ! On découvre la vie quotidienne d’un quartier défavorisé d’une des villes les plus pauvres des Etats-Unis, une des plus violentes aussi. Le récit ne se contente pas de parler de gangs et de drogues, sujet qui peut concerner tout le monde (on le voit à travers les personnages d’Elliott et son père, qui auraient dû ne rien connaître à ce milieu mais qui s’y retrouvent plongés par la position centrale de leur magasin) car il parle aussi de familles plus en retrait, comme celle du Marine Washington, qui se retrouve à la rue du jour au lendemain et qui n’est pas le seul à galérer alors que des politiciens, des banquiers et des dealeurs s’en mettent plein les poches. Et puis, il y a aussi le côté politique et racial avec les groupes de suprémacistes blancs, qui sont bien évidemment détestables en tous points mais qui pourraient laisser filtrer quelque espoir grâce à certains personnages de ce groupe qui paraissent parfois humains malgré leur embrigadement dans le groupe. La violence est omniprésente et pendant un bon moment, j’ai eu la sensation que ce n’était qu’une descente sans fin vers l’enfer pour tous les protagonistes mais heureusement, tout n’est pas noir. Bon, c’est sûr que les âmes sensibles risquent de trouver cette lecture difficile et horrible mais de mon côté, j’apprécie de ne pas voir les choses trop édulcorées. En tout cas, je me suis attachée à Elliott et ses amis et cette histoire va me rester longtemps en mémoire, que ce soit pour son dessin que j’ai appris à aimer ou pour son analyse sociétale et sa puissance émotionnelle !
Les avis de Mo (tomes 1 et 2) et Mr Zombi (tomes 1 et 2).