Monsieur désire ? ---- Hubert et Virginie Augustin

Lisbeth travaille comme bonne dans une grande maison londonienne où le maitre des lieux, Edou           ard, est un jeune homme noble, oisif et débauché. Les discussions vont bon train parmi les domestiques, quand les oreilles du majordome James et de la gouvernante Ms Oliver sont loin. Mais le soir du mariage de la reine Victoria avec le prince Albert, Lisbeth est laissée seule en charge de la maison en compagnie de la cuisinière, les autres domestiques ayant quartier libre. Edouard rentre alors soul et blessé et Lisbeth est la seule à pouvoir s’occuper de lui : elle le déshabille, fait appeler un médecin et veille le jeune homme tout le reste de la nuit. C’est alors qu’Edouard se met en tête de prendre Lisbeth comme confidente, ne la trouvant pas jolie mais avec des yeux fascinants et lui raconte beaucoup de choses sur la vie dissolue de la noblesse londonienne et sur ses soirées de débauche et de beuverie, créant des rumeurs et des jalousies parmi les serviteurs …

Je déstocke les albums de mes énormes piles en attente de lecture et j’ai repéré celui-ci car son scénariste et coloriste, Hubert, est décédé au mois de février alors qu’il était encore bien jeune. Du coup, je m’en suis presque voulu de ne pas l’avoir lu avant car c’est une très bonne lecture ! Tout d’abord, c’est un album qui s’adresse aux adultes compte tenu de certains sujets abordés et de certaines scènes assez crues, soit dessinées soit décrites. Il faut dire qu’après la mise en place du contexte, Lisbeth étant une bonne issue d’une famille nombreuse, peu avantagée par la nature au dire de ses collègues, et travaillant pour un jeune noble dépravé qui passe ses journées à boire et à forniquer. Alors, quand il décide de prendre Lisbeth comme confidente, forcément, il va lui raconter des choses, ce qu’il fait de ses soirées, à la fois pour se confesser mais aussi un peu pour essayer de la déstabiliser et la faire rougir … vous voyez donc le tableau ! Mais ce sujet est aussi un des aspects hypocrites de la société victorienne et les gens de la cour avant l’arrivée de la reine Victoria n’étaient pas en reste au rayon coucheries en tous genres. Malgré ses bravades, on sent qu’Edouard n’est pas heureux, qu’il lui manque quelque chose qui fait qu’il part à la dérive et Lisbeth, avec son bon sens de fille du peuple, est là pour faire l’équilibre. Les deux personnages sont attachants chacun dans leur genre (oui, oui, j’ai aussi trouvé Edouard émouvant malgré tout) mais étant une fille, j’ai quand même préféré Lisbeth dont je me suis sentie plus proche. En plus, je l’admirais, elle est courageuse mais décidée sans en avoir l’air. Les dialogues sont piquants, avec des traits d’humour grinçants et qui dénoncent souvent les travers de l’époque. Le graphisme est sympathique, avec un trait fin et délicat et assez anguleux comme j’aime bien mais j’ai parfois eu des problèmes avec le nez de certains des protagonistes et certains profils. Mais c’est vraiment un petit détail sans grande importance et qui a quand même son utilité dans la description des personnages car ils reflètent leurs caractères ou leurs milieux sociaux. Les couleurs souvent claires, ce qui permet l’utilisation d’aplats sans qu’ils agressent l’oeil et les hachures rappellent un peu les gravures de cette époque. Mon seul bémol un peu plus important concerne la fin, que j’ai trouvée brusque et un peu frustrante : elle ouvre tellement de possibles que j’ai eu forcément envie d’en savoir plus au lieu d’être laissée en plan mais malgré tout, elle est intelligente et bien trouvée. L’album se clôture sur un excellent dossier abordant différents sujets de l’ère victorienne : Londres, le travail, la famille royale, la moralité, la condition des hommes et des femmes et d’autres dont je ne dirai rien car cela en révèlerait un peu trop sur le twist final. Une excellente lecture originale et intéressante qui m’a fait passer un très bon moment !

Les avis de Stéphie, Antigone, Lasardine, Hérisson, Moka.

Comments

[sheherazade2000]

c'est en effet un sujet tentant