Les liens artificiels ---- Nathan Devers

En novembre 2022, Julien Libérat, à l’aube de la trentaine, séparé de May depuis quelques mois, professeur de piano frustré de ne pas voir sa carrière musicale décoller et vivant dans un petit appartement à Rungis s’apprête à filmer son suicide en direct sur les réseaux sociaux sans que cela fasse pourtant la une des journaux. Pourtant, quand Antimonde, le métavers ultraréaliste du petit génie de l’informatique Adrien Sterner, a été lancé à grands coups de publicité, Julien, pour occuper ses mornes journées, s’est empressé de créer Vangel, son avatar pour ce nouveau monde virtuel qui a aussi l’avantage de pouvoir transformer l’argent gagné par son avatar en revenus dans le monde réel, permettant ainsi d’améliorer son niveau de vie. Mais Antimonde va vite devenir vite addictif pour Julien, surtout quand Vangel va développer son empire virtuel …

Comme la rentrée littéraire de septembre 2022 était à l’honneur dans plusieurs de mes clubs lecture, j’ai opté pour ce titre car j’avais envie de voir comment un jeune auteur français allait aborder un sujet qu’on peut classer dans la science-fiction (dans la sous-catégorie fiction spéculative par exemple) sans que cela soit estampillé ainsi par la maison d’édition ! Oui, c’est classé comme roman … histoire de conserver toutes ses chances pour les prix littéraires et ne pas effrayer le lectorat qui n’a pas forcément l’habitude de lire de la SF (qui donc, à priori, semble toujours être un sous-genre pour les éditeurs !). Pour moi, le côté SF serait plutôt un plus … cela permet de voir comment notre société pourrait déraper et en étant au courant des dérives possibles, je pense que ce serait plus facile de les éviter et ne pas s’y laisser entrainer … mais bon, c’est juste mon avis ! On découvre donc le monde de Julien, bien terne, et le jeune homme semble n’avoir aucun espoir dans son avenir … mais je dois dire qu’il m’a paru peu sympathique et assez mou du genou. Il se plaint beaucoup mais ne fait rien pour changer les choses et au final, ce n’est que dans le monde virtuel de l’Antimonde qu’il passe enfin un peu à l’action mais de façon très maladroite et il est donc resté toujours aussi peu attirant à mes yeux mais au moins, il se bougeait. J’ai énormément apprécié la description du métavers, avec ses lois, son décor, ses personnages … bref, son fonctionnement général. Si jusqu’à présent, les métavers qu’on nous a proposé n’ont pas eu de succès, je pense que c’est parce qu’ils ne paraissent pas suffisamment réels alors que là, on est dans la réplique exacte de la Terre et du coup, je pense que ce doit être très perturbant de faire la part des choses entre réel et virtuel ! En plus, les frontières deviendront de plus en plus poreuses entre les deux univers et tout cela parait crédible et possible (pas dans les dix ans qui arrivent mais bien plus tard, pourquoi pas ?). Ce récit crée aussi un suspense car on essaie de comprendre les raisons du suicide de Julien et la tension monte peu à peu au fur et à mesure qu’on découvre comment ce métavers fonctionne (l’auteur en profite pour aborder le thème du complexe de Dieu dans la personne d’Adrien). Mais cela provoque la réflexion quant à la création d’un monde virtuel, son utilité, sa réglementation, son influence sur la vie réelle et sur la psychologie des utilisateurs. Je n’ai pas trouvé que c’était une lecture facile ou fluide mais c’est intéressant car cela soulève des questions auxquelles on devra peut-être répondre dans le futur.